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L'ACHAT DE LA FERME Catherine Blanchard
SAMANTHA : On respire ici un autre air, on se croirait à des milliers de kilomètres...
CHARLES-HUBERT : Quand on pense que ce matin, on faisait nos courses boulevard Saint-Germain
SAMANTHA : Ah ! C'est là que je veux vivre, j'en ai assez de cette vie artificielle que nous menons, de ces cocktails, de ces mondanités, je veux qu'on se retrouve, rien que toi et moi !
CHARLES-HUBERT : Tu as raison Samantha... rien que nous deux... de toute façon, ça a l'air très calme ici !
SAMANTHA : On va marcher tous les deux Charles-Hubert, main dans la main, d'un même pas vers notre avenir... marchons ! Ah ! mais qu'est-ce que c'est ? Je ne peux pas avancer !
CHARLES-HUBERT : (Se penchant vers les pieds de sa compagne) C'est de la terre avec de l'eau... Mais, qu'est-ce?
GASTON (Autochtone.) Ah ! ça, c'est de la bouillasse.
SAMANTHA : Oh ! mais l'endroit est habité, je croyais cet endroit complètement désert !
GASTON Quel désert ? On est dans les Yvelines, ma petite dame, et ça, c'est de la boue que vous avez sur vos godasses.
CHARLES-HUBERT : De la boue ! Oh je n'en avais jamais vu d'aussi près ! Merci, mon ami, alors comme ça vous vivez ici, retiré du monde, seul avec vous-même !
GASTON Qh ! Ben y'a quand même la Marie et puis les vaches
SAMANTHA : Oh ! Chéri, tu nous vois vivre ici... toi dans ce costume de drap lourd, fruste et rugueux.
CHARLES-HUBERT : Et toi, ma chérie, dans un simple sarrau de cotonnade en harmonie avec ce décor champêtre.
SAMANTHA : Ah ! la vraie vie, elle est là !
CHARLES-HUBERT : Est-ce que nous pourrions acheter dans votre belle région, un joli cottage ?
GASTON Un quoi ?
CHARLES-HUBERT : Un cottage ! Une fennette quoi !
GASTON Ben, je vous céderai bien mon cottage comme vous dites, venez donc manger un bout à la maison.
(On les retrouve à la ferme.)
GASTON Salut la mère, je t'amène deux parisiens... (En aparté.) Je crois que j'ai rabattu deux pigeons, ils veulent acheter une fermette dans notre coin.
MARIE Alors, entrez, asseyez-vous, vous ne pouviez pas mieux tomber.
SAMANTHA : On cherche un endroit vrai !
MARIE Frais !
CHARLES-HUBERT et SAMANTHA : (En choeur.) Non, vrai !
GASTON Ici, c'est ben vrai, hein Marie !
MARIE Oui, c'est ben vrai !
GASTON Trois cent cinquante mètres carrés plain pied avec vue... sur... le fumier !
MARIE Avec vue !!
SAMANTHA : Ah! chéri, ça me tente, je crois que l'on a trouvé notre havre de paix, pas de téléphone, pas de télévision, pas d'électricité, un feu de bois et toi, c'est tout ce que je veux !
GASTON Ah ! ben, elle est pas exigeante vot'dame, c'est pas comme toi, la Marie !
MARIE Tais-toi ! Tu vas faire rater l'affaire. Moi, je resterais bien ici, toute ma vie, pensez, un si joli coin, mais il y a le petit !
GASTON Le petit ?
MARIE Ben, oui, le petit, on l'a fait ensemble... (Coup de coude à son mari.) Notre dernier, il fait une école genre... L'É.N.A..
CHARLES-HUBERT : Tu es décidée, on lâche le deux cent cinquante mètres carrés avenue Foch, et on s'installe ici ?
SAMANTHA : Regarde-moi dans les yeux... Qu'est-ce que tu y lis ?
CHARLES-HUBERT : Je lis « Je t'aime ».
SAMANTHA : Oui... et en dessous ?
CHARLES-HUBERT : Achetons la ferme !
SAMANTHA : Et toi le Gaston, qu'est-ce que tu lis dans mes yeux ?
GASTON « On va bien les avoir ces Parigots ! »
MARIE Qu'est-ce que tu as dans les yeux, de la bouse ?
CHARLES-HUBERT : Tu es sûre Samantha ? C'est très bien, mais j'aurais aimé quelque chose de plus... avec des poutres apparentes !
MARIE Alors là, les poutres, je vous le dis, j'en ai plein le hangar !
SAMANTHA : Ce que je voudrais aussi, ce sont des animaux... des lapins, des moutons, des poules !
MARIE Des poules ! Ici, elles sont uniques... elles ont des dents !
SAMANTHA : Des dents ! Oh ! c'est merveilleux, signe tout de suite !
GASTON (en aparté â sa femme.) ...Tu te fous d'eux, là ?
MARIE Ils vont signer, je te le dis !
CHARLES-HUBERT : C'est un vrai conte de fées... d'ailleurs, ne dît-on pas que cela arrivera lorsque les poules auront des dents !
MARIE Viens ! (Elle prend une valise.) Donnez-nous vos clefs, on fait l'échange standard !... On vous fait confiance, signez-là ! Toi, fais une croix... Tu t'appelles bien Gaston Lacroix ? bon, alors fais une croix... À nous la belle vie !!!
GASTON Tu les a roulés dans la farine !
MARIE Dans la bouillasse oui ! elle en veut, elle va en avoir !