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ILS S’AIMENT Comédie de Muriel Robin et Pierre Palmade
jouée par Michèle Laroque et Pierre Palmade
Stockholm
Lumière sur le côté gauche de la scène uniquement. Décor nordique. Une peau de bête est posée à terre. Lui : (dans la coulisse côté jardin) Non, non, Rébecca, laisse-moi, non, Rébecca, arrête, non, j'te jure, il faut vraiment que je téléphone à ma femme. Ouais ben déjà hier j'ai oublié. (Il entre sur scène, un téléphone avec fil à la main) Non, et puis je la connais, si je ne l'appelle pas, elle va croire que je suis avec quelqu'un. Oui, on fera l'amour après. Mais je veux d'abord la rassurer (il regarde vers les coulisses) oui, cui-cui, moi aussi (il compose le numéro) Je te ferai le canari tout à l'heure. Va dans le jacuzzi, je te rejoins. Le téléphone sonne et le côté droit de la scène s'éclaire. Décor sobre, une chaise est placée au milieu.
ELLE : (encore dans la coulisse côté cour) A… A… Allô ?
LUI : Allô, Marie- Caroline ? C'est moi !
ELLE : Oh oui, je t'entends mal, c'est toi Jacques- André ?
LUI : Ah, enfin, j'arrive à t'avoir. Mais quel bazar ce téléphone. Depuis hier matin j'essaye d'avoir Paris
ELLE : (entrant sur scène) Ben alors, t'es où ?
LUI : (regard vers les coulisses) Ben, toujours à Stockholm. Ben j'suis bloqué ici pour… 2 jours… ou 4 jours, ou plus si ça se trouve.
ELLE : Oh, mon pauvre chou, mais tu me manques, je pensais tellement pouvoir te voir demain. (se tournant vers les coulisses, toute excitée) Léonard, Léonard, il en a encore pour 4 jours ! (revenant au téléphone) mais tu penses à moi quand même ?
LUI : Je ne pense qu'à toi mon amour. (Vers les coulisses) Mets du bain moussant.
ELLE : T'es sûr tu ne peux pas te débrouiller, hein ? (bruit de fouet, elle serre les dents)
LUI : Non, ben non, moi je suis tributaire, hein, c'est elle qui décide.
Elle s'approche de la chaise et s'y accoude, le derrière relevé.
ELLE : Mais qui ça elle ?
LUI : Et ben chérie, (coup d'œil en coulisse) la compagnie.
Bruit de fouet, elle semble avoir mal.
LUI : c'est quoi que j'entends qui claque ?
ELLE : Qui claque ? (bruit de fouet) Ah bah oui, t'as raison, mais qu'est-ce que c'est ? (vers coulisses) Mais arrête avec ce fouet, il entend tout !
LUI : Allô ?
ELLE : Et puis moi ça m'excite…
LUI : (regardant le téléphone) Bah !
ELLE : Tu sais ce que c'était ?
LUI : Non !
ELLE : Tu ne vas pas me croire, c'est… c'est ma mère.
LUI : Ta mère ?
ELLE : Oui, elle… court les mouches avec une tapette.
LUI : Bah, elle est là ta mère ?
ELLE : Ah bah oui, de chez elle on ne l'entendrait pas !
LUI : Elle peut rester avec toi quelques jours parce que moi je n'aime pas bien te savoir seule.
ELLE : Mais bien sûr qu'elle va rester avec moi quelques jours (elle se tourne vers les coulisses et tortille du derrière) Parce que moi non plus je n'aime pas me savoir seule… Et le soir, ça va, ce n'est pas trop dur ?
LUI : Ah bah si (regard en coulisse) le soir c'est dur ! Mais tu sais je ne suis pas là pour m'amuser, attention, hein !
ELLE : Mais quel temps il fait là-bas ?
LUI : Oh… Il fait pourri ; partout, ben tiens, il pleut, t'entends pas ? (il va vers les coulisses, le combiné en avant) Mets la douche.
ELLE : Les menottes, va chercher les menottes.
LUI : (mettant le téléphone au dessus de sa tête) Oui, je suis ton gros éléphant !
ELLE : Siiiiii, tu va m'attacher au radiateur !
Lui fait le bruit de l'éléphant.
ELLE : Non, c'est moi qui mets la clé dans ma culotte.
Bruit d'éléphant.
ELLE : Allô ?
LUI : Allô ?
ELLE : Ah, oui !
LUI : Alors, tout va bien, rien de spécial ?
ELLE : Non, tout va bien, rien de spécial. (Elle s'assoit sur la chaise) . Ah si, j'ai galéré avec la voiture hier.
LUI : Laquelle t'avais ?
ELLE : J'ai voulu prendre la grosse, elle est trop large, hein, j'ai un mal fou au parking, moi !
LUI : Prend la petite, quand je ne suis pas là. Tu sais bien que la grosse tu as du mal à la rentrer ! (coup de tête vers les coulisses) Alors, qu'est-ce que t'as fait aujourd'hui ? Tu as été voir ton psy ?
ELLE : (manifestement répondant à Léonard) Non !
Il fait le bruit de l'ours.
LUI : T'es allée chez le dentiste ? Il fait le lion.
ELLE : Non !
LUI : T'es allé chez le coiffeur, alors ! Il fait la poule.
ELLE : Non !
LUI : Et qu'est ce que tu as fait alors ?
ELLE : Hein ? Heu, rien, tu sais, je suis resté à la maison, un truc à droite, un truc à gauche et puis, l'un dans l'autre, je n'ai pas vu la journée passer. Ah, dis donc, au fait, tu ne m'as pas donné le numéro de l'hôtel.
LUI : Le numéro de l'hôtel… (Il regarde sur le téléphone)
ELLE : (en se tournant vers les coulisses) Ta cigarette, écrase-là sur mon pied !
LUI : Ben, heu j'peux pas, parce qu'on change tout le temps…
ELLE : D'hôtel ?
LUI : Non, de numéro de téléphone. En Suède, c'est comme ça, c'est pour que les clients soient plus tranquilles.
Elle crie et ce tient la cheville.
LUI : Oui, je comprends que ça t'ennuie, mais je t'appellerai le plus souvent possible.
ELLE : Oh oui, chéri ! (vers les coulisses) Mords-moi, mords-moi, mords-moi !
LUI : (vers coulisses) Je te fais la grenouille. Croa, croa, croa !
ELLE : Aïe !
LUI : Ben quoi, qu'est-ce qui se passe ?
ELLE : Et ben je me suis fais mordre !
LUI : Pas par ta mère quand même ?
ELLE : Pas par ma mère, pas par ma mère, et bien si, justement, par ma mère, elle ne va vraiment pas bien du tout aujourd'hui, hein !
LUI : Qu'est-ce que tu racontes ?
ELLE : Mais oui, à chaque fois que tu t'en vas, ça la perturbe, et en plus, il a fait très chaud aujourd'hui et avec la chaleur elle… (Geste de la main du canard qui mord) elle niaque ! Ben elle est plus toute jeune !
LUI : Oui… Justement, y'a un type dans l'hôtel qui a le même sonotone que ta mère…
ELLE : Oui ?
LUI : Dis-lui que, quand ça siffle, il faut qu'elle l'éteigne et qu'elle le rallume après.
ELLE : Oui, d'accord, je lui dirai !
LUI : Non, dis-lui maintenant, tu vas oublier après !
ELLE : Maintenant, tu préfères ? Léonard, heu ! Maman ! Attends, quitte pas 2 secondes, je crois qu'il est éteint. Je vais aller lui dire, ce sera plus simple ! (elle part en coulisses)
LUI : Rébecca ! (il fait le gorille) Ouh ouh ouh !
ELLE : (revenant au téléphone) Ca y est, je crois qu'elle a compris. Où quoi ?
LUI : Ouh où t'étais ? Eh bien, j'appelle de loin, moi, chérie !
ELLE : Attend, mais qu'est-ce que j'entends depuis tout à l'heure, c'est des bruits d'animaux ?
LUI : Ah… Toi aussi ?
ELLE : Bon, ben alors, qu'est-ce que c'est ?
LUI : C'est des animaux !
ELLE : Ah ben c'est ça alors, je n'ai pas rêvé, parce que tout à l'heure j'ai entendu un éléphant !
LUI : Ah ben écoute, ça m rassure, je ne suis pas fou, il y a des animaux dans cet hôtel, je n'arrête pas de le dire !
ELLE : mais l'hôtel n'est pas en ville ?
LUI : Si mais, enfin, en Suède, ils mélangent tout, j'te jure pour travailler, c'est pas pratique !
ELLE : Oui, j'imagine, en plus tu dois avoir un problème de langue.
LUI : (regard vers coulisses) Oui, je me débrouille un peu, ça va !
ELLE : Ah bon, ben alors, dis-moi un truc en suédois.
LUI : Ah oui, ben qu'est-ce que tu veux… Qu'est-ce que je pourrais te dire ? (vers coulisses) Dis-moi un truc en suédois, toi ! (retour au téléphone) Koumoun drag oun jacousi !
ELLE : Et, heu, ça veut dire quoi ?
LUI : Ca veut dire, heu… (Se tourne vers les coulisses) Viens me rejoindre dans le jacuzzi ! Hé hé hé, non, heu, ça veut dire « Koumoun drag » (il tend la base du téléphone) « voici les contrats », « oun jacousi », « Monsieur Jacousi », voilà !
ELLE : Oui, et qui c'est ce Jacousi ?
LUI : Jacques Ousi, mon correspondant local.
ELLE : Il est japonais ?
LUI : Non, c'est comme Paul Ochon !
ELLE : Attend, je ne comprends rien, chéri !
LUI : Chéri, il y a Jacques Ousi, et il y a Paul Ochon, voilà, ils sont 2 !
ELLE : Ah, d'accord !
LUI : (vers les coulisses) Mange la mousse !
ELLE : (vers les coulisses) tu es une sale petite ordure!
LUI : Oui !
ELLE : Oui !
LUI : (revenant au téléphone) Oui ?
ELLE : Ouiiiiiiiiii !
LUI : Ah ? Tu dis oui à quoi, toi ?
ELLE : Ah… Je dis ouiiiiiiii à mon petit mariiiiiiiii !
LUI : Mon trésor, qu'est-ce que tu veux que je te rapporte ?
ELLE : Tout sauf une suédoise !
LUI : Non, sérieux, qu'est ce que tu veux qui te ferait plaisir ?
ELLE : Mais je ne sais pas, un truc rigolo qu'on trouve là-bas, une combinaison (vers les coulisses) en cuir…
LUI : Hein ?
ELLE : Très moulante…
LUI : Allô ?
ELLE : Avec des chaînes, des clous…
LUI : Allô ?
ELLE : Jacques- André ?
LUI : Marie- Caroline ?
ELLE : Ca a coupé !
LUI : Oh, ça a coupé, qu'est-ce qu'on a une mauvaise liaison !
ELLE : Ca, on ne peut pas dire qu'on ait une bonne liaison ! Elle rentre en coulisses.
LUI : Je la rappelle, on a été coupé !
ELLE : Donne-moi ça !
LUI : Non, j'en ai pour 2 minutes !
ELLE : Installe le trapèze au dessus du radiateur !
LUI : Mais après il y a une grosse autruche qui va te sauter dessus ! (il fait l'autruche)
Sonnerie du téléphone. Elle arrive sur scène avec un fouet à la main.
ELLE : Dans 2 minutes, tu as le cirque Pinder ! (décrochant) Allô ?
LUI : Allô, mon amour ?
ELLE : Oh oui, chéri !
LUI : C'était juste pour te dire au revoir. Ils se rejoignent au milieu de la scène, côte à côte.
ELLE : C'est gentil, je t ‘embrasse. Ils se mettent dos à dos, mais pas collés.
LUI : Moi aussi je t ‘embrasse. Chérie, chérie !
ELLE : Oui, je suis là.
LUI : Je t'aime.
ELLE : Moi aussi je t'aime.
Musique de cirque, ils partent en courant vers leurs fonds de scène respectifs.
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