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ILS S’AIMENT Comédie de Muriel Robin et Pierre Palmade
jouée par Michèle Laroque et Pierre Palmade

La réconciliation
Deux fauteuils. Elle est assise, lui en coulisses. Sonnerie de la porte d’entrée.

LUI : Nicole !
ELLE : Quoi ?
LUI : J’m’excuse.
ELLE : Hmmm… J’m’en fous.
LUI : (sonnerie) Allez Nicole !
ELLE: Mais quoi ?
LUI : Ouvre… c’est moi. (sonnerie) J’ai pas mes clés. Nicole !
Elle se lève et ouvre. Elle file de l’autre côté de la scène. Il entre avec un bouquet de roses blanches à la main.
LUI : Ecoute, je regrette.
ELLE : (elle se retourne) Philippe on est cons.
LUI : Je te demande pardon. (ils se sautent dans les bras)
ELLE : Oh moi aussi je te demande pardon.
LUI : Oh j’ai été con !
ELLE : moi aussi j’ai été con. (ils se lâchent)
LUI : Oui mais moi plus.
ELLE : Oh je m’en veux !
LUI : Moi aussi je m’en veux !
ELLE : On a des caractères de cochons.
LUI : (il la serre) Oh, je t’aime tellement Nicole !
ELLE : tu me fais mal !
LUI : Toi aussi tu me fais mal !
ELLE : Non, avec les fleurs. (ils se séparent) Tu m’enfonces les épines dans le dos !
Lui : (il tend les fleurs) Tiens, c’est pour toi. Je te demande pardon.
ELLE : D’accord. Non… Mieux que ça.
LUI : (il s’agenouille comme un chevalier et tend les fleurs) Je vous demande pardon.
ELLE : Relève-toi, idiot ! (il met les fleurs derrière son dos) et ben, mes fleurs ?
LUI : Tiens, y’avait plus de roses garbois alors j’ai pris des roses blanches, pour faire la paix. On oublie tout (il tend les fleurs)
ELLE : Mais oui bien sûr qu’on oublie tout. Je sais même plus pourquoi on s’était disputé.
LUI : (il ramène les fleurs à lui) Moi si ! Mais c’est fini… On n’en parle plus.
ELLE : T’as vu comment on est… Chacun défend son bout de gras, des vrais gamins.
LUI : (il lui donne les fleurs et lui prend la main) Ben oui mais toi aussi tu embrouilles tout !
ELLE : comment ça j’embrouille tout ?
LUI : Oui madame (il s’assoit et la prend sur ses genoux) Il y a des fois où je sais pas si ce que tu dis est vrai ou si tu inventes un peu alors moi dans le doute je m’énerve.
ELLE : Be alors moi je sais pas si j’invente mais toi tu grossis tout, mais tu te verrais, j’ai jamais vu quelqu’un se monter aussi vite !
LUI : Ben oui, mais y’a des trucs qu’il faut pas me dire !
ELLE : ah oui .
LUI : Mais toi aussi y’a des trucs qu’il faut pas te dire. Tu es quand même plus susceptible que moi ! Mais tu n’aimes pas qu’on te le dise.
ELLE : Non mais quand tu m’as dis qu’il fallait être de bonne humeur dans l’état de nerf où j’étais, alors là c’était le pompon des pompons ! Je te jure, des gens nous auraient vus, y’avait de quoi rigoler !
LUI : Toi je sais plus ce que tu m’as dit à un moment, tagadi, tagada, qu’on était là tous les deux en train de faire (il tape des mains).
ELLE : Eh ! (elle montre la pintade à terre)
LUI : Ah oui, la pintade, tu sais que j’ai failli me la prendre dans la tête !
ELLE : Et tu crois que je visais quoi ?
LUI : Toi je te jure !
ELLE : Y’en a pas un pour rattraper l’autre. Mais du coup on n’a plus rien à bouffer.
LUI : Si ! parce qu’en allant chercher les fleurs, je nous ai commandé un plateau de fruits de mer.
ELLE : Oh génial, comme ça j’ai pas à faire la cuisine ! Merci mon petit couillou ! (elle l’embrasse sur le front) (parlant aux fleurs) allez les filles, on va faire trempette ! (elle se lève)
LUI : Juste un truc…
ELLE : Oui ?
LUI : Et après on arrête… toi tu maintiens que samedi dernier de t’ai répondu « super » quand tu m’as dit que Gérard et Toinette  venaient dîner ce soir… En admettant que tu me l’ai dit…
ELLE : En admettant que… Oh non, écoute, on va pas recommencer. Mais c’est pas que je maintiens ou que je maintiens pas, c’est juste que je t’ai parlé de ce dîner et que tu m’as répondu… ou tu m’as pas répondu, on ne saura jamais. De toute façon, tout est bien qui finit bien, sa mère est à l’hôpital alors on parle d’autre chose…
LUI : Oui, on parle d’autre chose.
ELLE : Ils ont dit à quelle heure le plateau ?
LUI : Quel plateau ?
ELLE : Le plateau de fruits de mer !
LUI : Ah… Je sais pas.. Ah si, ils ont dit samedi en 8.
ELLE : Bon, tu vas pas re…
LUI : C’était de l’humour.
ELLE : Il est un peu lourd ton humour.
LUI : Et bien chacun le sien ! Tu sais quand tu me dis que je ressemble à la femme de ménage, c’est pas beaucoup plus drôle non plus.
ELLE : bon, ben c’est qu’on est pas drôle tous les deux et puis c’est tout. Tiens, tu veux bien ramasser ma pintade s’il te plaît ?
LUI : Ah, oui, la pintade. Toi ça te dérange pas de jeter la nourriture par terre. On voit que tu n’as jamais manqué de rien…
ELLE : Pourquoi, tu as connu les tickets de rationnement pendant la guerre, peut-être ?
LUI : Y’a des gens qui seraient bien contents de la manger.
ELLE : Ah ouais ? Et ben tu la timbres, et tu leurs envoies ! Moi je jette la nourriture par terre et toi tu jettes ton short de foot qui déteint sur mon peignoir blanc Givenchi. Alors 1 partout. (elle ramasse la pintade)
LUI : Je jette mon short de foot ? Ah oui, c’est sûr, mon obsession, quand je rentre du foot, c’est vite vite vite elle est pas là je vais pouvoir lui flinguer son peignoir blanc.
ELLE : (marmonné) Ca aussi, le foot…
LUI : Hein, quoi ?
ELLE : Je « ça aussi le foot »…
LUI : Vas-y développe !
ELLE : Non, je ne développe pas, je ne suis pas photographe. (elle lui donne la pintade)
LUI : (forcé) Ah ah ah !
ELLE : quand ils veulent leur plateau à la con.
LUI : Tout est à la con ce soir avec toi ! Plateau à la con, dîner à la con…
ELLE : Non, attends, stop. Dîner à la con, c’est toi qui a employé cette expression, je te signale !
LUI : Oui, bien sûr, oui, j’aurais parlé d’un dîner à la con avec mon meilleur ami.
ELLE : Ah…Non mais si j’étais toi j’irai voir quelqu’un parce que quand c’est pris à temps, ça se soigne très bien l’alzheimer !
LUI : Alors, si on en est à mettre les choses au point, qui est-ce qui a  oublié dans la même journée le rendez-vous à la banque, à l’agence et à l’assurance ?
ELLE : Alors là cette journée je vais en entendre parler encore longtemps, il est content, il a sorti son joker, pour une fois dans ma vie que ça l’arrive d’oublier !
LUI : Pour une fois dans ta vie ? Mais tu te fous de ma gueule ? Qui c’est qui perd tout ? Qui c’est qui range rien ? Et alors surtout, qui est-ce qui passe derrière ? Qui c’est qui arrange le coup pour excuser les retards de Madame ?
ELLE : Je suis en retard moi ?
LUI : Oui !
ELLE : Je suis en retard moi ?
LUI : Oui !
ELLE : Et ben oui, ça arrive d’être en retard. Ca t’arrive jamais d’être en retard à toi ?
LUI : Si, moi je le suis tout le temps.
ELLE : Ah !
LUI : Parce que je suis avec toi !
ELLE : Oh ! Mais c’est pas de la mauvaise foi que tu as, c’est que tu es malhonnête. Rends-moi ma pintade ! (elle lui arrache des mains)
LUI : Malhonnête ? Je suis malhonnête, moi ? Ah oui, fais gaffe, je pique dans ton porte-monnaie.
ELLE : Tu piques dans mon porte-monnaie ? Je m’en doutais !
LUI : Mais non idiote, c’est moi  qui ramène le fric, qu’est-ce que tu veux que je te piques ?
ELLE : Ah non ! Ah non ! Alors là tu vas pas sur ce terrain là parce que c’est grave !
LUI : Mais j’ai dit ça sans le dire !
ELLE : Parce que là tu es en train de me traiter de pute, carrément ! (elle s’assoie et caresse la pintade)
LUI : (il s’assoit) Allez, les grands mots !
ELLE : Moi si je suis une pute, alors toi tu es un maquereau, tu vois moi aussi je peux t’insulter !
LUI : Mais je t’ai jamais traité de pute, tu t’insultes toute seule !
ELLE : Non mais tu l’as pensé, c’est pire !
LUI : Je l’ai pensé ?
ELLE : Oui !
LUI : Je pense surtout que tu as une case en moins, oui !
ELLE : Oui oui oui, tu es quand même bien content de partir en vacances avec moi !
LUI : Bah bien sûr qu’on part ensemble, t’es ma femme, imbécile !
ELLE : Ben l’année prochaine t’as qu’à aller écouter Aimable et son orchestre sur le Nil avec ta mère, c’est à moi que ça en fera des vacances…
LUI : Et puis toi tu auras qu’à aller au Brésil, avec Alain et Roberto, puisque tu l’aimes tant ton couple de l’an 2000 !
ELLE : (elle se lève et pose la pintade) Je sais pas ce que je vais faire mais je sais ce que j’aurais du faire il y a 4 ans, le jour de notre mariage : j’aurais du dire non au hamster de Cavaillon, je serais pas là à me faire chier avec un con pareil à l’heure qu’il est !
LUI : Tu sais ce qu’il te dit, le con ?
ELLE : Non, vas-y, qu’est-ce qu’il me dit ?
LUI : Tu m’emmerdes, Nicole ! Demain je prends le premier avion pour Stockholm et je me remets la tête dans le boulot. Je préfère encore entendre un éléphant toute la journée plutôt qu’une folle furieuse qui hurle pour n’importe quoi !
ELLE : Et ben c’est ça, casse toi, c’est ce que tu fais de mieux, mais je te préviens, si tu t’en vas moi je mets ta grosse BM dans une descente et je lâche le frein à main. Et c’est 80 plaques dans le cul Lulu !
LUI : Si tu touches à ma bagnole… Je te fais bouffer ton séchoir !
ELLE : Si tu me fais bouffer mon séchoir… Moi je te vide la pintade sur la tête !
LUI : J’en ai marre Nicole, j’en ai marre !
ELLE : Moi aussi j’en ai marre Philippe !
Ils continuent à parler indistinctement, le ton monte. On entend frapper :
VOIX OFF : C’est pas bientôt fini ce boucan là dessous ? Mais qu’est-ce que vous fouttez ?
LES DEUX : ON S’AIME !!!

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