MENU

L'ACCIDENT Pierre Sauvil
(Bruitage accident de voiture.)
ELLE : Ah c'est pas vrai ! Ah c'est pas vrai Vous avez tapé en plein dans mon arrière ! Regardez mon pare-chocs, mon coffre Je viens de faire mes courses je suis sûre que toutes mes tomates sont écrasées.
LUI : Oh ! Oh Un ton au-dessous hein 1 Vous stoppez pile à un feu vert ! Non mais ça va pas la tête !
ELLE : Fallait être attentif. Je vous ai prévenu en sortant mon pied par la portière.
LUI : Je rêve ! Vous sortez votre pied pour dire que vous stoppez, vous ?
ELLE : Mes feux marchent plus, mes mains j'en ai besoin pour le volant.
LUI : De toute façon, je l'ai pas vu, votre pied. Vous avez pas du le montrer bien longtemps. Un pied qui sort d'une voiture pour faire des signes, ça m'aurait frappé.
ELLE : Évidemment que je l'ai pas sorti longtemps. Si je le laisse dehors pendant une plombe, ils vont piquer ma godasse !
LUI : Non mais j'hallucine, là ! C'est dans le code, ça ? Je pose la question, c'est dans le code ? Je vous préviens : si je m'énerve, je vous jette par terre et je saute sur vos omoplates
ELLE : Et allez donc ! Au lieu de dialoguer il saute sur mes omoplates d'abord et il réfléchit ensuite ! S'il réfléchit! Ah les bonshommes, c'est vraiment la race inférieure ! Papiers !
LUI : Pardon ?
ELLE : J'ai dit : Papiers !
LUI : Mais pourquoi vous dites papiers?
ELLE : Parce que je suis agent de police
LUI : Holà !
ELLE : Pas de chance, hein ? Vous avez embouti le véhicule d'une représentante de la force publique. Ça va vous coûter un max
LUI : Écoutez, on va faire un constat à l'amiable, tranquille...
ELLE : Stop ! Pas d'amiable avec un individu dormant au volant et incapable de visualiser le pied qui dépasse d'une voiture
LUI : S'il vous plaît, madame...
ELLE : Madame ! Madame ! N'essayez pas de m'attendrir avec votre sexisme rétrograde je ne suis ni une femme, ni un homme, je suis la Loi
LUI : Compris.
ELLE : Permis de conduire, carte d'identité, passeport, facture EDF et de téléphone.
LUI : Tout ça ?
ELLE : Je me méfie des faussaires. Je veux pouvoir comparer. Exécution.
LUI : Oui chef. Mais j'ai peut-être pas tout sur moi...
(Il donne des papiers. L'autre les examine)
ELLE : C'est vous sur la photo ? Vous faites angoissé, là-dessus. On sent le type qui a des problèmes avec ses parents, ses voisins, son boulot, son chien, sa femme, et les traites de sa voiture.
LUI : On voit tout ça sur...
ELLE : Quand on est dans la police on sait, facilement, faire la différence entre un individu sain et un individu pervers. Eh ben, qu'est-ce que j'apprends ? Vous êtes né à Noeux-les-Mines ?
LUI : Oui.
ELLE : Ça c'est dingue, alors ! Non mais c'est dingue! Ah ! Ah Ah !!! Moi aussi !
LUI : Non ? Vous êtes de Noeux ?
ELLE : Comme je vous le dis. Alors là, c'est la meilleure ! C'est drôle, non ?
LUI : J'ai rien vu de plus drôle depuis.
ELLE : C'est peut-être idiot mais ça me fait plaisir de rencontrer quelqu'un de chez moi.
LUI : Moi aussi, franchement. Vous Y retournez de temps en temps ?
ELLE : Oh là là ! Je peux pas m'en passer.
LUI : Moi c'est pareil. Ah Noeux-les-Mines ! Quels souvenirs !
ELLE : Ça ! Hé Hé Son Monoprix ! Vous avez connu le Monoprix ?
LUI : Si je l'ai connu ? J'y allais tous les jours. Et son Centre Leclerc ?
ELLE : Ouh là là ! Le Centre Leclerc ! C'est là que maman allait toujours acheter son essence
LUI : Nous aussi.
ELLE : Et le Franprix ?
LUI : J'adorais littéralement le Franprix. De toute façon, je vais vous dire : j'ai fait Venise, Acapulco, Barcelone, Miami... je préfère Noeux-les-Mines
ELLE : Tout à fait d'accord. Eh, vous vous souvenez ?
(Elle chante et l'autre reprend avec elle.)
Noeux-les-Mines, pays d'amour
Noeux-les-Mines, j't'aim'rai toujours
Dans tes rues, couleur de suie
Qu'on est bien sous un parapluie.
LUI : C'est beau, hein ?
ELLE : M'en parlez pas, j'en suis toute bouleversée.
LUI : Dites donc, vu nos origines communes, finalement vous n'allez peut-être pas me faire payer un max ?
ELLE : Bien sûr que non. D'autant plus que c'est ma faute, j'aurais pas dû passer mon pied par la portière pour faire clignotant.
LUI : Mais pas du tout. C'était très amusant. Franchement j'ai beaucoup ri.
ELLE : Vous dites ça par politesse.
LUI : Non, non, c'est vrai. J'avais pas rigolé comme ça depuis...
ELLE : (le coupant.) Au fait, et Carrefour, vous vous rappelez ? Vous y alliez aussi à Carrefour ?
LUI : Si j'y allais ? Mais, quand j'étais gosse, j'y étais toujours fourré ! Je piquais plein de trucs.
ELLE : Vous piquiez à Carrefour ?
LUI : Et pas qu'un peu. Vu qu'à la sécurité ils étaient tous plus nuls les uns que les autres.
ELLE : Mon père était vigile à Carrefour.
LUI : Houlà !
ELLE : Bon Dieu ! Ça va vous coûter un max