Laurent Baffie : Allo, monsieur Martin ?
Mr Martin : Oui, c'est moi.
L B : Bonjour, c'est le gardien.
Mr Martin :Ah, bonjour... Et pourquoi vous m'appelez, il y a un problème ?
L B :Non, non. Enfin, rien de grave.
Mr Martin :C'est vraiment vous ? Je ne reconnais pas votre voix.
L B :C'est normal, avec le froid, j'ai encore chopé la crève ce matin, en sortant les poubelles !
Mr Martin :Ah, bon... Et donc vous m'appeliez pour ?
L B :Pour vos étrennes, enfin vos étrennes... si tant est qu'on puisse appeler ça comme ça !
Mr Martin :Comment ça, mes étrennes ? C'est quoi, cette histoire ?
L B :C'est-à-dire que sur le coup, avec ma femme, on n'a trop rien dit parce que c'était les fêtes et tout, mais à la réflexion, on a trouvé ça assez lamentable de votre part.
Mr Martin :Comment ça, lamentable ?! Mais vous les avez eues, vos étrennes, que je sache.
L B :Ah oui, parlons-en, vous nous avez donné combien ?
Mr Martin :Mais je sais plus, moi... 100F.
L B :C'est ça, cent balles. Avec tout ce qu'on fait pour vous toute l'année, vous osez nous donner un vulgaire pourliche.
Mr Martin :Ah ben, ça, c'est la meilleure de année ! Mais vous êtes déjà payé pour le travail que vous faites, que je sache. Les étrennes, c'est en plus. C'est une tradition, pas une obligation.
L B :Et alors ? Ça vous empêche pas de nous remercier décemment à Noël, surtout que c'est jamais qu'une fois par an.
Mr Martin : (sidéré) Non, mais là, je rêve. Parce que 100F, c'est indécent, pour vous ?
L B :C'est honteux, oui. Dans l'immeuble, c'est vous qui avez donné le moins. Même qu'avec ma femme, on vous appelle " le rat ".
Mr Martin :Pourquoi, ils ont donné combien les autres locataires ?
L B :Oh, y a pas de chiffre précis. Ça varie entre 2000 et 3000F.
Mr Martin :Quoi ???
L B :Y a même une dame qui nous a fait un chèque de 10000 F, vous savez, la p'tite veuve du quatrième.Remarquez, à son age, elle a sûrement dû confondre avec les anciens francs, ça lui arrive souvent.Mais en tout cas, ça retire rien au geste.
Mr Martin :Oui, ben moi, je suis désolé, mais je roule pas sur l'or. D'ailleurs, je ne sais pas comment font les gens pour vous donner des 2000 et des 3000F d'étrennes, mais j'estime que 100F, c'est tout à fait correct. En plus, je suis vraiment sidéré, le concierge qui téléphone chez vous pour réclamer des étrennes, franchement, j'avais jamais vu ça de ma vie.
L B : Attendez, attendez, vous avez pas compris, là.Je ne réclame rien du tout, au contraire, votre malheureux bifton de cent balles on va vous le rendre.Même si on est concierge, comme vous dites, on a notre dignité figurez-vous, on ne fait pas l'aumône.
Mr Martin : Alors, vous voulez quoi ?
L B : Simplement vous dire que votre courrier, on ne vous le monte plus, terminé.
Mr Martin : Mais vous avez pas le droit, je vais téléphoner au syndic !
L B : J'en ai rien à branler ! Ma femme va pas se coller des varices pour un rapiat comme vous. Et puis quoi, encore ?
Mr Martin :Je vous préviens que ça ne va pas se passer comme ça !
L B :Ouais, ouais, cause toujours tu m'intéresses. Et vos poubelles, c'est pareil, on s'en occupe plus. Vous sortirez vos merdes tout seul, comme un grand, à 6 heures du mat, ça vous fera prendre l'air.
Mr Martin :Mais vous avez bu ou quoi ?
L B : En plus, demain on change le code de la porte, tu peux toujours t'accrocher pour avoir le nouveau !
Mr Martin :Vous êtes à votre loge, là ?
L B : Ben oui, je t'appelle pas du Club Med de Djerba !
Mr Martin :Bon ben, bougez pas, je descends. On va s'expliquer de vive voix.
L B : Tiens, t'as des couilles toi maintenant ? C'est nouveau.
Mr Martin :J'arrive ! (Il raccroche.)