PATROUILLE SOUS-MARINE Catherine Blanchard |
en collaboration avec Muriel Robin
(Deux femmes en combinaison de plongée nagent) LA PREMIERE : Attends-moi, je n’en peux plusLA SECONDE : Tais-toi et nage ! LA PREMIERE : On a fait au moins 20 000 lieues sous la mer depuis qu’on a quitté Paimpol, je suis en eau. LA SECONDE : Tu m’étonnes, de toute façon la patrouille du samedi, c’est la plus mauvaise ! LA PREMIERE : On peut faire une pause ? J’en ai plein les palmes ! LA SECONDE : Oh, je te jure, tu ne manques pas d’air ! LA PREMIERE : A propos, tu ne peux pas vérifier ma bouteille, je manque peut-être d’oxygène ? LA SECONDE : Paulette, tu me gonfles, si tu n’avais pas tes bouées autour de la taille, t’arriverais peut-être à brasser ! LA PREMIERE : Chantal, regarde celui-là, qu’est-ce qu’il fait ? LA SECONDE : On ne va pas le louper ! Hep !Oui vous ! Ne faites pas vos yeux de merlan frit. Police de la mer, ramassez-moi ces boites de conserve et remettez-les dans votre sac, la mer, ce n’est pas une poubelle ! LA PREMIERE : Tu lui as cloué le bec ! LA SECONDE : T’as vu ce qu’il a dit. (Elle mime le poisson qui ouvre la bouche en silence) LA PREMIERE : Il a pas branchi. LA SECONDE : Il faut être vigilantes, tu sais le week-end, avec tous ces pique-niques ! (Elles nagent en rond sur le plateau puis reviennent face) Avec ton mari, ça s’est arrangé ? LA PREMIERE : Non, je touche le fond ! LA SECONDE : Dans nos métiers, c’est embêtant, tu t’en ressens et après tu as du mal à faire surface. LA PREMIERE : Et toi ta belle-mère ? LA SECONDE : Belle, mais très agitée ! LA PREMIERE : On a tous nos soucis, mon mari, un jour ou l’autre, il va mettre les voiles. LA SECONDE : Oui, c’est pas le même tempérament. LA PREMIERE : Oui, ton mari, il est mince comme un hareng et sec, c’est pas comme toi. Chantal regarde la raie. LA SECONDE : Où ça ? LA PREMIERE : Au milieu. LA SECONDE : Vite, elle fonce sur nous, la sirène, mets la sirène ! LA PREMIERE : C’est pas vrai ! la mer est à elle ! LA SECONDE : Je rêve ou elle m’a fait une queue de poisson ! Si elle repasse, celle-là, je te la harponne ! LA PREMIERE : Espèce de thon ! LA SECONDE : T’as bien fait de la mettre en boite LA PREMIERE : Je suis épuisette. Chantal ! Si on pouvait trouver un coin pour s’asseoir. LA SECONDE : Regarde, il y a ce qu’il faut : Voilà des bancs LA PREMIERE : Des bancs de sardines, on est comme ça. (Elle mime les sardines serrées dans une boîte.) Chantal, je ne me sens pas bien, j’ai peur d’avoir une crampe. LA SECONDE : Fais voir ton poulpe. (Elle lui prend le pouls) Ça va LA PREMIERE : Cela fait trop longtemps que je suis sous pression ! LA SECONDE : Décompresse. Fais comme moi, na ge en souplesse. Madame ! Qu’est-ce que vous avez mis dans votre sac ? LA PREMIERE : Elle se croit au supermarché. LA SECONDE : Permis de pêche. LA PREMIERE : Ils ont bien fait de plastifier, c’est plus lisible. T’as le centimètre, j’en étais sûre, des petits Rougets Grondins de 8 cm, vous n’avez pas honte. LA SECONDE : Remettez-les à l’eau ! à l’eau, vous m’entendez ! LA PREMIERE : Sinon, Je vous mets une amende pour braconnage, et croyez-moi, elle sera salée ! Qu’est-ce qu’elle a dit : « Morue ! » LA SECONDE : Elle a déjà vu des morues à 50 mètres de fond ! LA PREMIERE : Circulez ou je vous confisque les bouteilles ! LA SECONDE : On a reçu des consignes, tu sais vivement qu’on rentre, j’ai les moules ! LA PREMIERE : C’est quoi ton parfum ? LA SECONDE : Eau de roche LA PREMIERE : C’est bien pour ici, parce que avec toute cette pollution (Elle nage avec difficulté) C’est quoi ? Oh ! C’est gras, c’est de l’huile, c’est encore un coup des pétroliers ! LA SECONDE : On va faire une patrouille à l’huile ! LA PREMIERE : Oh ! C’est difficile ! LA SECONDE : C’est plus difficile que la patrouille à l’eau LA PREMIERE : Mais c’est tellement plus beau ! LA SECONDE : Atchoum ! LA PREMIERE : Il y a un courant froid ici, tu l’as senti toi ? LA SECONDE : Aujourd’hui je vais choper la crève. La semaine dernière, je me suis fait draguer ! LA PREMIERE : Par qui ? LA SECONDE : Par une drague, ça a été vite vu, je suis remontée avec le filet, il y avait 500 Kilos de coquille Saint-Jacques et moi au milieu ! LA PREMIERE : Alors Qu’est ce qu’ils ont fait ? LA SECONDE : Ils m’ont remise à l’eau ! Il n’aurait plus manqué qu’ils me gardent, tu me vois dans une assiette chez Trois Gros ! LA PREMIERE : Ce n’est pas un métier de tout repos, tu en es à quel grade ? LA SECONDE : J’ai eu ma troisième étoile de mer, cette année ! LA PREMIERE : Et pour la paye ? LA SECONDE : Elle est palourde ? Une poignée de bigorneaux ! LA PREMIERE : Dis donc, j’ai senti une goutte ! LA SECONDE : Allez, on rentre, on a assez trempé ! |