LE SAR RABINDRANATH DUVAL Pierre Dac et Francis Blanche |
FRANCIS BLANCHE : Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, j'ai le grand plaisir honorifique de présenter à vous ce soir, n'est-ce pas, tout à fait exceptionnellement dans le plus simple appareil, une beauté qu'on vient d'arracher, à on ne sait pas à quoi d'ailleurs ! De vous présenter le Sar Rabindranath Duval, qui est le descendant authentique des grands Sars, des grands visionnaires de l'Inde, n'est-ce pas ! Votre Sérénité...
PIERRE DAC : Hum ! Hum ! FRANCIS BLANCHE : Vous avez bien dîné déjà ? Bon ! Vous descendez des grands Sars de l'Inde, n'est-ce pas ? PIERRE DAC : Oui. FRANCIS BLANCHE : Vous êtes né dans l'Inde ? PIERRE DAC : je suis né dans l'Inde. FRANCIS BLANCHE : À quel endroit de l'Inde ? PIERRE DAC : Châteauroux. FRANCIS BLANCHE : À Châteauroux ! Extraordinaire ! Vraiment ! D'ailleurs, je crois savoir de source sûre que votre père était hindou ! PIERRE DAC : Hindou, oui. FRANCIS BLANCHE : Votre grand-père ? PIERRE DAC : Hindou. FRANCIS BLANCHE : Et votre arrière-grand-père ? PIERRE DAC : C'était un dur. FRANCIS BLANCHE : Voilà donc par conséquent, n'est-ce pas, il a depuis de longues années la pratique de la vision hindoue. Dites-moi, Votre Sérénité, vous avez le don de double vue ? PIERRE DAC : Oui, je vois double. FRANCIS BLANCHE : Il voit double ! Je m'en doutais un peu d'ailleurs ; vous voyez donc, mais c'est héréditaire ? PIERRE DAC : Héréditaire ! FRANCIS BLANCHE : C'est atavique. PIERRE DAC : Non, c'est à moi ! FRANCIS BLANCHE : Je veux dire, c'est congénital ! PIERRE DAC : Non c'est quand j'ai trop bu. FRANCIS BLANCHE : II faut dire, n'est-ce pas, je tiens absolument à préciser que Sa Sérénité fait de grands exercices tous les jours, quotidiennement presque, pour conserver don de double vue. Il fait le yoga, n'est ce pas? Vous faites le yoga ? PIERRE DAC : Oui, oui. FRANCIS BLANCHE : C'est le yoga de... PIERRE DAC: La Marine ! FRANCIS BLANCHE : Et il surveille également de très près son alimentation... Quelle est votre alimentation ? Qu' est-ce que vous prenez pour votre dîner ? PIERRE DAC : Uniquement de la cuisine à l'huile. FRANCIS BLANCHE : La cuisine des Sars ? PIERRE DAC : La cuisine des Sars, oui ! FRANCIS BLANCHE : Oui, mais pourquoi ? PIERRE DAC : Parce que les Sars dînent à l'huile ! FRANCIS BLANCHE : Les Sars dînent à l'huile ! Vraiment, ce n'est pas trop tiré les cheveux du tout parce qu'il n'en a plus ! Alors, si vous permettez, nous allons nous livrer sur quelques personnes de l'assistance publique à des expériences tout à fait extraordinaires. Votre Sérénité, je vais vous demander de vous concentrer soigneusement... Voilà ! Vous êtes concentré ? PIERRE DAC : Je suis concentré. FRANCIS BLANCHE : II est concentré... comme on dit chez Nestlé... parfait Votre Sérénité, concentrez-vous bien vous êtes en transe ? PIERRE DAC : Oui, je suis en transe napolitaine. FRANCIS BLANCHE : En transe napolitaine, n'est-ce pas? Votre Sérénité, concentrez-vous bien, et dites-moi, je vous prie, quel est le signe zodiacal de monsieur ? PIERRE DAC : Monsieur est placé sous le double signe du Lion et du fox à poil dur. FRANCIS BLANCHE : Oui, dites-moi quel est son caractère ? PIERRE DAC : Impulsif, parallèle et simultané. FRANCIS BLANCHE : Quel est son avenir ? PIERRE DAC : Monsieur a son avenir devant lui, mais il l'aura dans le dos chaque fois qu'il fera demi-tour. FRANCIS BLANCHE : Il est vraiment extraordinaire ! Voulez-vous me dire, à présent, quel est le signe zodiacal de mademoiselle ? PIERRE DAC : Mademoiselle est placée sous le triple signe bénéfique de la Vierge , du Taureau et du Sagittaire avant de s'en servir. FRANCIS BLANCHE : Ah ! C'est ça. Il a raison ! Il a mis dans le mille, n'est-ce pas ? Il a mis dans lé mille, comme disait Jean-Jacques Rousseau. Votre Sérénité, au lieu de vous marrer comme une baleine... Excusez-nous, Sa Sérénité est en proie aux divinités contraires de l'Inde : Brahma et Vichnou. Brahma la guerre et Vichnou la paix. Voulez-vous me dire, s'il vous plaît, Votre Sérénité, quel est l'avenir de mademoiselle ? PIERRE DAC : L'avenir de mademoiselle est conjugal et prolifique. FRANCIS BLANCHE : Ah ! Prolifique ? PIERRE DAC : Oui ! FRANCIS BLANCHE : Qu'est-ce que ça veut dire ? Elle aura des enfants ? PIERRE DAC : Oui ! FRANCIS BLANCHE : Des enfants ? PIERRE DAC : Des jumelles. FRANCIS BLANCHE : Des jumelles ! ! ! Combien ? PIERRE DAC: Une paire avec la courroie et l'étui ! FRANCIS BLANCHE : Voulez-vous, à présent, je vous prie, me dire quel est le signe zodiacal de monsieur ? PIERRE DAC : Ce monsieur est placé sous le signe de Neptune, Mercure au chrome. FRANCIS BLANCHE : Quels sont ses goûts ? PIERRE DAC : Monsieur a des goûts sportifs. Son sport préféré, le sport cycliste. FRANCIS BLANCHE : Bien. Qu'il peut pratiquer sans inconvénient ? PIERRE DAC : Oui, mais à condition toutefois de se méfier. FRANCIS BLANCHE : Se méfier ? De qui ? De quoi ? PIERRE DAC : De certaines personnes de son entourage qui prétendent que sa compétence dans le domaine de la pédale exerce une fâcheuse influence sur son comportement sentimental. FRANCIS BLANCHE : Ah ! Encore une fois vous avez mis dans le mille. Mais, dites-moi, qu'est-ce que vous lui conseillez municipal ? PIERRE DAC : Je lui conseille vivement de ne pas changer de braquet et de surveiller son guidon. FRANCIS BLANCHE : Votre Sérénité, tout à fait autre chose à présent. Pouvez-vous me dire quel est le sexe de monsieur ? PIERRE DAC : Masculin. FRANCIS BLANCHE : Oui. Vous êtes certain ? PIERRE DAC: Oui. Vous pouvez vérifier. FRANCIS BLANCHE : Non, non, on vous croit sur parole ! Et dites-moi, quelle est sa taille ? PIERRE DAC: Un mètre soixante-seize debout, un mètre cinquante-six assis, zéro mètre quatre-vingt-trois roulé en boule. FRANCIS BLANCHE : Et dites-moi, il pèse combien ? PIERRE DAC : Oh... deux fois par mois ! FRANCIS BLANCHE : Non, non ! Excusez le Sar, n'est-ce pas, il ne comprend pas bien le français. Je vous demande quel est son poids P.O.I.X. ? PIERRE DAC : Soixante-douze kilos cinq cents ! sans eau sans gaz et sans électricité. FRANCIS BLANCHE : Oui, dites-moi quel est le degré d'instruction de monsieur ? PIERRE DAC : Secondaire. FRANCIS BLANCHE : Oui. Est-ce que monsieur a des diplômes ? PIERRE DAC : Oui, monsieur est licencié G.L. FRANCIS BLANCHE: Licencié G.L ? Qu'est-ce que ça veut dire ? PIERRE DAC : Ça veut dire qu'il travaillait aux Galeries Lafayette et qu'on l'a foutu à la porte. FRANCIS BLANCHE : S'il vous plaît, Votre Sérénité, concentrez-vous bien, combien monsieur a-t-il de dents ? PIERRE DAC : Trente dedans et deux dehors ! FRANCIS BLANCHE : Voilà très bien ! Monsieur a-t-il des complexes Pierre Dac : Oui! Monsieur fait complexe... À certains moments, il prend sa vessie pour une lanterne. FRANCIS BLANCHE : Et alors ? PIERRE DAC: Et alors, il se brûle ! FRANCIS BLANCHE : Dites-moi, Votre Sérénité, mon petit bonhomme, dites-moi de quelle nationalité est madame ? PIERRE DAC : Française. FRANCIS BLANCHE : Oui. Et son père ? PIERRE DAC : Esquimo ! FRANCIS BLANCHE : Et sa mère ? PIERRE DAC : Pochette-surprise ! FRANCIS BLANCHE : Très bien !... Et ta sœur ? PIERRE DAC : Ma sœur, elle bat le beurre et quand elle battra... FRANCIS BLANCHE: Bon, bon, oui, ça va ! PIERRE DAC : Escroc, voleur ! FRANCIS BLANCHE : Espèce de mal élevé, mauvaise éducation, excusez-le, il n'y a pas longtemps... Il en a une couche là-dessus ! Tiens, encore il y a trois ans, il n'avait même pas un plateau, il avait directement le pied de la table... Mais enfin, ça c'est autre chose... Votre Sérénité, pouvez-vous me dire, s'il vous plaît... ? PIERRE DAC: Oui ! FRANCIS BLANCHE : Euh ! PIERRE DAC : Quoi ? FRANCIS BLANCHE: Qu'est-ce que vous pouvez me dire ? PIERRE DAC : Je peux vous dire que vous ne savez plus votre texte... FRANCIS BLANCHE : Si vous étiez intelligent, dites-moi donc qu'est-ce que je dois vous demander à présent ? Votre Sérénité, pouvez-vous me dire, c'est très important, concentrez-vous, pouvez-vous me dire quel est le numéro du compte en banque de monsieur ? PIERRE DAC : Oui. FRANCIS BLANCHE : Vous pouvez le dire ? PIERRE DAC : Oui ! ! FRANCIS BLANCHE : Vous pouvez le dire ? PIERRE DAC : Oui !! FRANCIS BLANCHE : Il peut le dire !! Bravo ! II est extraordinaire, il est vraiment sensationnel. Votre Sérénité, quelle est la nature du sous-vêtement de monsieur ? PIERRE DAC : - Monsieur porte un slip. FRANCIS BLANCHE : Oui. De quelle teinte ? PIERRE DAC : Saumon fumé. FRANCIS BLANCHE : Tiens, tiens, en quoi est-il ? PIERRE DAC : En chachlick mercerisé. FRANCIS BLANCHE : Ah ! II a un signe particulier ? PIERRE DAC : Oui. II y a quelque chose d'écrit dessus. FRANCIS BLANCHE : Quoi donc ? PIERRE DAC : Suivez la flèche. FRANCIS BLANCHE : C'est merveilleux. Tout à fait extraordinaire ! Votre Sérénité, monsieur que voici que voilà a-t-il un signe particulier ? PIERRE DAC : Oui, un tatouage. FRANCIS BLANCHE : Ah ! Un tatouage ! Très intéressant ! C'est bien exact, n'est-ce pas ? Je ne le lui fais pas dire ! C'est bien exact ! Et où se trouve situé le tatouage de monsieur ? PIERRE DAC : Je suis extrêmement fatigué, je m'excuse... FRANCIS BLANCHE : Allons, allons, voyons... Monsieur Schumaker ! PIERRE DAC : ... C'est très délicat et je suis fatigué. FRANCIS BLANCHE : II est dans un état épouvantable, excusez-le. Votre sérénité, je vous demande où se trouve situé le tatouage de monsieur ? PIERRE DAC : Le tatouage de monsieur est situé à un endroit que l'honnêteté et la décence m'interdisent de préciser d'avantage. FRANCIS BLANCHE : Ah ! bon, mais qu'est-ce que vous entendez par là ? PIERRE DAC : Oh ! par là j'entends pas grand-chose ! FRANCIS BLANCHE : Je vous prie de vous concentrer davantage, espèce de malotrou ! Alors, que représente le tatouage de monsieur, s'il vous plaît ? PIERRE DAC : Bon ! Le tatouage de monsieur représente... enfin... lorsque monsieur est en de bonnes dispositions... le tatouage représente : d'un côté la cueillette des olives en Basse-Provence, et de l'autre un épisode de la prise de la Smalah d'Abd el-Kader par les troupes du duc d'Aumale en 1843. FRANCIS BLANCHE: Ah ! Parfait ! Et de plus ? PIERRE DAC : Et c'est en couleurs ! FRANCIS BLANCHE : Ah ! C'est en couleurs ! Bravo ! Mes félicitations, monsieur ! Vraiment, si, si, vraiment très bien ; mes compliments, madame ! Madame a de la lecture pour les longues soirées d'hiver, c'est parfait. Votre Sérénité, vraiment, vous avez été extraordinaire, c'est vrai, vraiment, il est vareuse... il est vareuse... PIERRE DAC : Eh ! ... FRANCIS BLANCHE : Non, il est unique, pardon, je me suis trompé de vêtement, mais ça ne fait rien. Il ne me reste plus qu'à envoyer des baisers à l'assistance publique. Bonsoir, mesdames, bonsoir, mesdemoiselles et bonsoir, messieurs. |