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L'AGENCE AVENTURE Jean-Michel Ribes
(Elle et Lui entrent, en tenue de safari, elle avec la jambe dans le plâtre). L'AMI : Roger, Josette, vous êtes revenus de vacances. (apercevant la jambe de Jossette) Mais qu'est-ce qui t'est arrivé ?
ROGER : Figurez-vous qu'un jour nous avons reçu une documentation très alléchante de l'agence Voyages-Aventures, les spécialistes des vacances tous risques, et nous avons été séduits.
JOSETTE : Ça, je dois dire, tout de suite.
L'AMI : Des vacances tous risques… mais qu'est-ce que c'est ?
ROGER : Ils ont plusieurs formules intéressantes. Moi, j'avais un faible pour la traversée de la forêt amazonienne à vélo, avec baignade, piranhas et lutte avec des Indiens réducteurs de tête. Mais Josette préférait la formule "sécheresse et danger", c'est à dire le Sahara d'est en ouest avec tempêtes de sable, panne de voiture et pillards.
JOSETTE : Oui. Je ne sais pas pourquoi, mais moi, les Sud-Américains ne me donnent pas le frisson.
ROGER : Alors nous avons opté pour la formule désert à 1.800 € pour quinze jours et deux personnes.
JOSETTE : 2.OOO € avec le "supplément maladie".
L'AMI : Le supplément maladie ?
ROGER : Oui, ça n'était pas une mauvaise idée. En plus des garanties peur, blessures, insolation, soif, etc., ils proposaient un supplément maladie qui permettait un petit détour dans les zones infestées par la malaria ou la fièvre jaune. Pour 200 € de plus, reconnaissez que ça ne valait pas la peine de s'en priver.
JOSETTE : Mais on a senti la supercherie tout de suite, dès notre arrivée dans le petit bled de Tardouif. Ils nous avaient dit : première nuit dans un gourbi avec l'habitant et ses chèvres. En fait de gourbi, on s'est retrouvés dans une chambre avec doubles rideaux, salle de bains…
ROGER : Et, tenez-vous bien, eau chaude, baignoire et prise sèche-cheveux.
JOSETTE : Après cinq heures d'avion, je dois dire que ça ne met pas de bonne humeur !
L'AMI : C'est incroyable !
ROGER : Le lendemain, on part avec toute l'équipe. On roule, on roule, un jour, deux jours, trois jours, pas l'ombre, vous m'entendez bien, pas l'ombre d'une panne !
JOSETTE : Roger était dans un tel état d'énervement que le quatrième jour, je lui ai dit : "Écoute, crève une durite toi-même, sinon on ne s'en sortira pas."
L'AMI : Et tu l'as fait ?
ROGER : Ben, j'étais bien obligé sinon on dépassait la zone des tempêtes de sable.
JOSETTE : Qu'entre parenthèses on n'a jamais vues ! Pas la queue d'une ! C'est comme les scorpions, pas un seul pendant tout le séjour. Ah non, ça alors je m'en souviendrai.
ROGER : Vous vous rendez compte l'organisation !
L'AMI : Et les pillards ?
ROGER : On les a rencontrés le onzième jour alors que par contrat nous devions être attaqués en fin de première semaine.
JOSETTE : Non, vous savez, quand on a quinze jours de vacances, c'est vraiment déprimant.
ROGER : D'ailleurs c'est ma femme qui les a vus la première derrière une dune.
JOSETTE : Oui.
ROGER : Je les évalue à une trentaine, une tribu du Sud, les Ouchimi, très dangereux, mangeurs d'hommes probablement.
JOSETTE : Oh ! oui, mais j'étais verte de terreur, c'était délicieux.
ROGER : Enfin les vraies vacances commençaient ! Tard, mais elles commençaient. Pour qu'ils nous pillent sans nous violenter, je décide de nous enterrer dans le sable. Tactique Lawrence d'Arabie.
JOSETTE : On avait du sable dans les yeux, dans la bouche, j'étais à moitié morte, c'était formidable.
ROGER : Eh bien vous n'allez pas me croire, on n'était pas enterrés depuis cinq minutes qu'ils ont foncé sur nous, ils nous ont déterrés et ils nous ont dit : "Pas peur, pas peur, vous sauvés" et ils nous ont offert du thé. Je n'invente rien !
JOSETTE : Il y en a même un qui m'a fait un baisemain.
ROGER : Il ne faut quand même pas se foutre du monde !
JOSETTE : Calme-toi, chéri, c'est fini.
L'AMI : Et le supplément maladie ?
ROGER : Foutaise ! On est revenus avec deux kilos de plus chacun.
JOSETTE : Et bronzés !
ROGER : Heureusement ma femme s'est cassé la jambe au retour en descendant de l'avion à Roissy, sinon nous aurions eu l'air de quoi ?
L'AMI : Alors, pour vos vacances de l'année prochaine, toujours l'aventure ?
JOSETTE : Bien sûr, sinon c'est pas des vacances !
ROGER : Nous avons reçu une documentation d'une agence qui a l'air très sérieuse.
L'AMI : C'est à dire ?
ROGER : On prend l'avion à Roissy le dimanche soir à 21 heures, direction l'Afghanistan, et sept heures après, c'est à dire à midi heure locale, on nous fait sauter sur Kaboul. Ça a l'air pas mal.
L'AMI : Vous n'avez pas peur de vous faire berner une seconde fois ?
ROGER : Ça, on ne peut jamais être certain de rien. Mais ils mettent une clause qui nous a beaucoup rassurés.
L'AMI : Laquelle ?
ROGER : Si on en revient…
JOSETTE et ROGER : …on est rem-bour-sés !